mardi 1 février 2011

Un peu de science-fiction...

Supposons que nous découvrions une machine à remonter le temps... Il en résulterait un grand nombre de paradoxes, dont la plupart sont liés à l'effet de rétroaction sur le temps présent, qu'aurait la moindre modification du passé. On peut penser aux cas les plus tragiques, dans lesquelles une personne tuerait malencontreusement un de ses parents, avant que ses parents lui aient donné naissance. Ce faisant, il se tuerait en fait lui-même, et devrait disparaître. Mais il y a déjà ici un paradoxe : comment quelqu'un peut-il tuer ses parents avant sa naissance, si la mort des parents signifie que l'enfant n'existe pas, donc que l'enfant n'a pas pu tuer ses parents? Donc, s'il tue ses parents, cela signifie soit qu'il existe, donc qu'il n'a pas tué ses parents, soit qu'il n'existe pas, donc qu'il n'a pas pu tuer ses parents. Dans tous les cas, on aboutit à la conclusion que l'enfant n'a pas pu tuer ses parents avant sa naissance. Pourtant, on ne voit pas ce qui l'empêcherait, si les machines à remonter le temps sont possibles.

On peut d'ailleurs, de cette manière, envisager un cas bien plus amusant. Pourquoi ne pas devenir son propre père, sa propre mère? Pourquoi ne pas remonter le temps, et faire l'enfant que nous serons justement nous-mêmes? Il n'y a rien là d'impossible, sur le plan de la description factuelle. Rien n'empêche quelqu'un de s'unir à sa mère ou son père pour être son propre créateur. Il s'agit donc ici d'une version "science-fiction" de la causa sui, la cause de soi de Descartes et Spinoza. Comment peut-on être cause de soi? Il faut être capable de remonter le temps, et de se donner naissance soi-même. Il faut que le moi du futur donne naissance au moi du passé. Une mère qui se porte elle-même dans son ventre, voilà qui est vertigineux. Pourtant, il suffirait de remonter le temps.
De manière moins radicale, on peut imaginer une création mutuelle, grâce à un paradoxe temporel. L'homme crée une créature fantastique capable de remonter le temps, puis cette créature remonte le temps afin de donner naissance à l'homme. Un crée l'autre, et cet autre revient dans le temps pour créer l'un. Cela peut vaguement évoquer Dieu selon Feuerbach : Dieu a crée l'homme, mais l'homme lui rend la pareille en créant Dieu.
Bien sûr, le problème logique (logique?) perdure : une chose qui, pour exister, a besoin de quelque chose d'autre qui n'existe pas encore, ne peut pas déjà exister. On ne peut pas créer la chose qui nous a donné naissance.

Mais si ce paradoxe était levé, tout le mystère de la création du monde, du commencement de l'univers, se retrouverait levé. Au lieu de se demander si le monde a un commencement, ou s'il est infini, on pourra tout simplement dire que le monde s'est crée lui-même, en envoyant dans le passé de la matière susceptible de lui donner naissance. Il y aurait en quelque sorte rétroaction : le créateur est aussi le créé.
Pourquoi vous soumettre ce genre de propos farfelus? Je ne prétends pas résoudre le problème fondamental de la cosmologie, je souhaite plutôt mettre un point en exergue : ces propos sont farfelus, mais on ne sait guère pourquoi. Y a-t-il quelque chose dans le temps qui interdise de le remonter? Non, et l'idée que le temps va toujours dans la même direction ne signifie rien d'autre que les objets suivent toujours le même cours, pas plus. Le temps, lui, ne défile pas. Seuls les astres, les hommes, et les choses défilent, pas le temps. Donc il n'y a rien dans le temps qui interdirait de revenir à un moment précédent, c'est-à-dire, pour une personne, revivre à nouveau une séquence temporelle qu'il a déjà vécue.
Les paradoxes sur le temps sont donc plutôt logiques que chronologiques. Ces paradoxes sont justement ceux qui touchent à la nécessité du passé, et à l'impossibilité d'être là où l'on n'était pas. Le passé est, par définition, éternellement tel qu'il est. Revenir dans le passé étant au contraire changer le passé, cela signifierait que le passé n'est pas nécessaire. Et les autres paradoxes ne sont que des conséquences de l'idée que le passé pourrait être changé : cela aurait des effets étonnants sur le présent. L'effet ne doit pas être la cause de sa propre cause, car il ne nous est plus possible de comprendre comment l'effet a d'abord pu exister, avant de causer sa propre cause.
Mais y a-t-il vraiment un paradoxe logique? Après tout, l'idée de rétroaction est compréhensible par tous. L'idée qu'une cause produise un effet qui en retour l'entretienne n'a rien de mystérieux. Pourquoi donc ne pas étendre la rétroaction non plus seulement à la causalité concernant les choses déjà existantes, mais aussi aux choses qui n'existent pas encore?

4 commentaires:

  1. Est ce que tu as lu "La patrouille du temps" de Poul Anderson ?
    L'argument de ce livre est :
    Dans un lointain futur, les descendants des Hommes ont découvert le moyen de voyager dans le temps. Mais pour éviter que des pirates mal intentionnés ne changent le cours de l'histoire, ils ont créé la « Patrouille du temps » qui dispose de bureaux et d'agents à toutes les époques...

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  2. Merci pour la recommandation, je ne connaissais pas ce roman.

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    1. Hypothèse permettant de lever le paradoxe effet/cause :
      Lorsqu'un homme remonte dans le passé, une autre réalité est créée donc les effets produits par cet homme dans cette nouvelle réalité trouvent leur cause dans la réalité d'origine de celui-ci. Le paradoxe de l'effet produisant sa propre cause est alors levé puisque la cause et l'effet n'appartiennent pas à la même réalité.

      Ceci reste une hypothèse qu'il convient de vérifier.

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    2. Un autre paradoxe sur le temps est engendré par le fait que la lumière ait une vitesse constante pour tout référentiel en mouvement uniforme. Il en résulte que la simultanéité des évènements est relative, donc que deux évènements simultanés pour un référentiel peuvent ne pas l'être pour un autre référentiel. Par conséquent, il y a deux histoires différentes au sujet des mêmes objets, et rien ne permet de dire que l'une est plus vraie que l'autre.
      Il n'est donc peut-être pas invraisemblable que chaque personne ait sa propre histoire, tenant compte d'éventuels voyages dans le temps. La seule nuance que j'apporterais est qu'il me paraît malheureux de dire que la réalité se dédouble. Il n'y a qu'une seule réalité, et les multiples histoires que l'on peut en donner sont des histoires de l'unique réalité, et pas une production illimitée de nouvelles réalités.
      Bref, on peut ramener les paradoxes du voyage dans le temps à des choses mieux connues(la relativité restreinte). Mais je comprendrais aussi très bien celui qui me dit que cela rend plutôt la relativité restreinte profondément paradoxale.

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