mercredi 7 octobre 2015

Y a-t-il vraiment des choses qu'on ne saurait acheter?

Le livre de Michael Sandel, Ce que l'argent ne saurait acheter, est rempli d'anecdotes sur le processus de marchandisation de tous les aspects de l'existence. Il raconte très bien comment on change la signification de l'amour, de l'attente dans une file d'attente, de la lecture scolaire, de l'émission de produits polluants, du combat militaire, si on transforme ces actions en choses que l'on peut acheter ou vendre, donc en marchandises. Au lieu d'avoir une valeur intrinsèque, ou d'être des maux intrinsèques, nous en faisons des marchandises à gérer comme les autres, dont la fonction est de remplir des besoins précis ou bien de nous enrichir. 
Cependant, le livre reste décevant quand il cherche à expliquer ce qui ne va pas dans la marchandisation. Autant on peut admettre que les gens modifient leur comportement quand on créé un marché pour un bien qui jusque là était hors marché, autant on ne voit pas pourquoi la création d'un tel marché devrait être moralement condamné, ni pourquoi certains biens pourraient être tenus pour des marchandises, alors que d'autres ne le pourraient pas. Sandel dit : certains biens sont corrompus par leur marchandisation. Soit, mais pourquoi faudrait-il le regretter? Je créé un site de covoiturage qui met en relation conducteurs et passagers. Je marchandise les relations humaines, qui ne l'étaient pas avant cela. Mais il ne semble pas y avoir là quelque chose de choquant, donc il ne suffit pas de marchandiser pour faire quelque chose de mal. Et il n'est pas non plus très facile de délimiter les biens qui peuvent être corrompus et ceux qui ne le peuvent pas, ce qui laisse penser que nos jugements sont plutôt des réactions affectives ou esthétiques que des jugements fondés sur des principes pouvant faire l'objet d'une discussion et d'un accord. Il suffit de rappeler que, sur de nombreux sujets, on trouve à peu près autant de personnes qui ne voient pas de problème à la marchandisation que de personnes qui y voient un problème. Cela montre que la délimitation n'est pas facile, et n'est pas consensuelle. 
je voudrais dans cet article non pas donner le critère décisif qui manque à Sandel et qui lui permettrait de manière indiscutable de déterminer ce qui est marchandisable et ce qui ne l'est pas, ni donner l'argument ultime pour montrer ce qu'il y a d'immoral à marchandiser certaines choses. Au contraire, je voudrais montrer qu'il est très loin d'être évident que la marchandisation soit si horrible que cela. Bref, nous avons une réaction de dégoût, mais elle n'a pas de fondement solide. 


En économie, on donne généralement trois fonctions à l'argent : unité de mesure, moyen d'échange, et réserve de valeur. Je laisse la troisième de côté et vais m'appuyer sur les deux premières.
L'argent est d'abord unité de mesure. Cette unité permet d'établir la commune mesure de tous les biens pouvant s'échanger sur un marché. C'est grâce à cette unité que l'on peut comparer des biens qui autrement ne pourraient jamais l'être, comme une maison et une baguette de pain, puisqu'il est évident que, dans un marché reposant sur le troc, jamais personne n'échangera de maison contre des baguettes de pain, parce que cela ferait un tel nombre de baguettes qu'elles sécherait trop vite par rapport à notre capacité de les manger, et qu'aucun maçon ne pourra rencontrer de boulanger pouvant produire des centaines de milliers de baguettes en un temps restreint. Pourtant, grâce à l'unité de mesure, on peut dire très précisément combien de baguettes de pain vaut une maison. 
Pour que cette unité de mesure soit applicable, il faut cependant que les marchandises s'y prêtent. Il faut qu'elles soient échangeables de fait contre certaines choses, ce qui permet de les faire rentrer sur le marché, et par le jeu des multiples rapprochements, on finit par tout ramener à une mesure commune. Par exemple, une maison s'échange contre trois voitures, une voiture s'échange contre dix canapés, etc. jusqu'à arriver aux baguettes de pain. Ainsi, même si en fait personne n'a jamais échangé de maison contre des baguettes, on peut en droit les échanger. Par conséquent, si certains biens ne sont en fait jamais échangés contre d'autres biens, alors il n'est pas possible de fixer leur valeur au moyen de cette unité de mesure. Par exemple, prenons une médaille d'or aux Jeux Olympiques. Aucun sportif n'a jamais voulu l'échanger contre quoi que ce soit (je pense...). Par conséquent, il n'est pas possible de déterminer sa valeur. Ce bien est incommensurable, et pour cette raison, n'est pas une marchandise.
Or, qu'un bien soit incommensurable à tous les autres, voilà un premier argument pour refuser la marchandisation. On voit ici que ce n'est pas l'argent lui-même qui nous dérange, mais le fait qu'on ne distingue pas des biens qui sont qualitativement différents. Pour relier ceci à une querelle philosophique célèbre, on pourrait parler de Stuart Mill reprochant à Bentham de ne retenir que les quantités de plaisir, alors que Mill prétend qu'il faut aussi tenir compte des qualités de plaisir. Un plaisir de qualité supérieure, c'est justement un plaisir incommensurable à ceux de qualité inférieure. Pour Mill, la vertu, le savoir, l'amour, sont des biens que personne ne devrait échanger contre des biens de qualité inférieure, fussent-ils nombreux. Alors que pour Bentham, en effet, le bilboquet vaut bien la poésie, à quantité de plaisir égal. Bentham serait donc partisan de la commensurabilité de tous les biens. Il ne verrait aucun problème à comparer l'amitié et les jeux vidéos, la prostitution et l'amour, le savoir et l'ivrognerie. 
Il me semble que ces discussions ne peuvent pas être réglées par un appel aux intuitions. J'imagine qu'à peu près personne n'abandonnerait ses amis en échange d'un millier d'euros. Mais Bentham dirait juste que les amis valent simplement quelques millions d'euros. Soit. Mais il faut bien dire que ce genre d'estimation est assez suspecte. Elle semble faite plus ou moins au hasard, ou à la louche. Il n'est donc pas certain que le nombre énorme que nous donnons ne soit pas plutôt une manière de dire que l'amitié vaut une somme de fait illimitée. 
A défaut d'intuition très claire, je n'irai pas beaucoup plus loin. Je veux simplement dire que l'incommensurabilité ne doit quand même pas être trop vite proclamée. On peut vouloir rendre le vote, l'amour, les valeurs morales, l'humanité, etc. incommensurables à tous les biens. Mais ce serait assez malhonnête, car nous arrivons très souvent à arbitrer entre différents choix de vie, ce qui montre bien que nous sommes capables de mettre en comparaison, donc d'établir une unité de mesure commune. Il n'est pas difficile à un commerçant ouvert le dimanche de savoir s'il doit fermer un jour pour aller voter, ou si la perte économique est trop élevée pour aller voter. De même, bien des couples mettent en balance leur amour et les aspects financiers avantageux de rester sous le même toit. C'est un arbitrage entre l'amour et l'argent. On pourrait encore trouver de nombreux cas. L'incommensurabilité est donc au fond assez limitée, si toutefois elle existe. Elle n'existerait que s'il existe de véritables cas dans lesquels les gens ne seraient jamais prêts à céder, quelle que soit l'offre qui leur est faite. Je soupçonne que cela n'arrive jamais, non pas parce que les hommes sont méchants et vendraient leur mère s'il le faut, mais simplement parce que la commensurabilité généralisée n'a rien de si affreux moralement. 
En résumé, nous avons bien une unité de mesure commune de tous les biens, parce que la prise de décision l'exige. On a tendance à négliger ceci, alors que c'est essentiel : pour décider, il faut évaluer, et évaluer c'est mesurer, or mesurer implique une unité de mesure commune. Donc, pas de décision sans unité de mesure commune. Bentham a raison contre Mill. Si le savoir et la sagesse étaient vraiment incommensurables, nous serions sidérés et paralysés par eux, et nous ne pourrions même pas leur assigner une place raisonnable dans nos vies, au milieu d'autres activités moins nobles  et pourtant nécessaires comme manger ou faire du commerce. 

Le second point relatif à la marchandisation concerne celui de l'argent comme monnaie d'échange. L'argent est un moyen permettant d'obtenir des biens. Et certains de ces biens peuvent être obtenus autrement que par l'argent. Or, pour les opposants à la marchandisation, parmi les biens qu'on peut obtenir autrement, il y en a qu'on doit obtenir autrement. Par exemple, on peut se constituer une culture littéraire par notre goût pour la lecture, on peut obtenir du plaisir sexuel en étant beau, courtois, amusant ou séducteur, on peut obtenir un diplôme par un effort de travail, on peut visiter une exposition de peinture en prenant son mal en patience dans la file d'attente. Or, grâce à l'argent, on peut pousser les enfants à lire, on peut payer une prostituée, on peut s'acheter un diplôme d'une université en mal d'argent, et on peut acheter un billet coupe-fil. Sandel et bien d'autres trouvent que cela fausse le rapport à ces activités, cela en change le sens. Pour Sandel, ces biens ne sont pas des biens qu'on peut prendre isolément de la manière dont on les a obtenus. La manière de les obtenir est constitutif de la valeur de ces choses. Voici donc l'argument central des anti-marchandisation, qui, à la différence de celui que j'expose dans ma section précédente, est intrinsèquement lié à l'argent (l'argent étant le moyen d'échange typique, alors que l'existence d'une unité de mesure ne nécessite pas d'argent). C'est l'argument de la corruption. En séparant les biens eux-mêmes de la manière normale de les obtenir, on corrompt ces biens. 
Il me semble que cet argument n'a pas de précédent historique évident. On trouve souvent l'affirmation, dans les propos philosophiques populaires, que le chemin a plus de valeur que le but. Si c'était vrai, cela n'aurait en effet pas d'intérêt d'acheter ces biens dont tout l'intérêt est justement dans leur recherche, et pas dans leur obtention. Mais bien entendu, un proverbe n'est pas un argument, et il se pourrait que ce proverbe soit simplement faux. Par ailleurs, le proverbe n'a pas de dimension morale marquée, alors que l'argument sur la marchandisation est moral. Quand on reproche à la prostitution de corrompre les relations amoureuses, on ne dit certainement pas que c'est dommage d'acheter du sexe parce que les jeux de séduction qui précèdent sont ce qui est meilleur. On dit plutôt qu'il est simplement immoral ou scandaleux d'acheter ce type de choses. 
Il faut donc distinguer deux types de cas : ceux dans lesquels le but est indissociable de l'activité elle-même, et ceux dans lesquels le but est dissociable. Par exemple, le but dans un jeu est de gagner ses adversaires. Mais personnes ne voudrait gagner sans jouer, cela n'aurait même pas de sens. Quand on fait une partie de football, on joue exactement autant pour jouer que pour gagner. On ne peut pas vouloir gagner sans jouer. Par contre, il y a beaucoup d'activités dont le but est séparable. Le sexe en est une. On peut trouver les phases d'approche et de séduction palpitantes, mais on peut aussi directement passer à l'étape de la relation sexuelle. Il n'y a aucune impossibilité conceptuelle à coucher sans avoir séduit, alors qu'il y a une impossibilité à gagner sans jouer. Dans toutes les activités où le but est séparable de l'activité, le but est par définition meilleur que l'activité, sans quoi on ne se livrerait pas à elle, ou du moins on ne s'y livrerait pas avec l'intention de réaliser ce but. Quand on séduit pour coucher, c'est bien parce que coucher a plus de valeur que séduire, sinon, on ne séduirait que par pur plaisir de séduire, sans rien attendre de plus. Et si coucher a plus de valeur, alors il ne semble pas être inapproprié (morale mise à part, pour l'instant) de payer pour coucher. Séduire n'étant qu'un moyen, il est mis en équivalence avec les autres moyens. On peut alors prendre le plus efficace. Si c'est l'argent, il paraît rationnel de payer. 
Les autres exemples de Sandel peuvent être examinés de la même manière. Partout où Sandel prétend qu'on corrompt des biens, on peut montrer qu'on ne corrompt rien du tout, mais seulement qu'on tient le but pour supérieur au moyen de l'obtenir, et que, pour cette raison, nous utilisons l'argent comme un moyen parmi d'autres. Sandel pourrait soutenir que certains bien sont indissociables de leur activité, mais il serait facile de répondre que le simple fait qu'il soit possible de marchandiser ces biens montre qu'ils sont séparables de l'activité permettant de les obtenir. Il me semble qu'il ne reste qu'un seul argument disponible : certaines activités, bien que n'étant pas recherchées pour elles-mêmes, et tenues pour moins bonnes que les biens qu'elles visent, ont cependant des effets collatéraux tenus pour bons. Et ces effets ne peuvent pas être obtenus autrement. Par exemple, la séduction est une tâche pénible, alors que le sexe est plaisant, mais par les jeux de séduction, les individus tissent des liens sociaux, enrichissent leur culture, alors que la marchandisation du sexe ne permettrait pas de tels liens sociaux ni le moindre développement culturel. C'est évidemment vrai. On a écrit des millions de romans sur l'amour, mais les histoires sur les prostituées sont bien moins nombreuses et plus pauvres, stéréotypées. Il faudrait donc lutter pour défendre toutes les activités civilisatrices même si elles sont un peu désagréables, et combattre toutes les activités qui fragilisent les liens sociaux, même si elles permettent une amélioration du bien-être global. 
Malheureusement, cet argument est loin d'être convaincant. D'une part il ne marche pas toujours : le billet coupe-fil n'est pas un fossoyeur de la culture. Ensuite, on ne voit pas pourquoi le développement culturel serait un motif d'interdire aux gens de faire ce qu'ils veulent et qui ne nuit pas à autrui. Surtout, Freud a particulièrement insisté là dessus dans Malaise dans la culture, il arrive assez fréquemment que le développement culturel se fasse au prix d'un renoncement individuel aux désirs. Autant donc ne pas trop abonder dans ce sens : chaque fois que nous pensons pouvoir accorder des libertés sans menacer gravement notre culture, autant le faire. Inutile de tyranniser les autres si nous n'avons pas de raison impérieuse de le faire. Or, on peut trouver notre monde laid et vulgaire, mais difficilement prétendre qu'il serait au bord du gouffre!

J'en conclus que les arguments de Sandel contre la marchandisation ne marchent pas. Je ne vois pas d'obstacle contre l'idée que tout pourrait être acheté ou vendu. Le seul argument qui me semble marcher est relatif à aux inégalités économiques. Plus la société est marchandisée, plus les inégalités économiques sont douloureuses. S'il faut payer pour tout, ceux qui sont pauvres auront encore plus de mal à obtenir ce dont ils ont besoin. Cet argument est valide, mais ce n'est qu'un argument conséquentialiste, qui ne s'oppose pas directement à l'idée de marchandisation. 

2 commentaires:

  1. Comme souvent, tu me parais raisonner logiquement mais sans bon sens, et comme le dit Rousseau une raison sans principes ne sert à rien de bon.

    Tu dis : "Pour décider, il faut évaluer, et évaluer c'est mesurer, or mesurer implique une unité de mesure commune. Donc, pas de décision sans unité de mesure commune. Bentham a raison contre Mill. Si le savoir et la sagesse étaient vraiment incommensurables, nous serions sidérés et paralysés par eux, et nous ne pourrions même pas leur assigner une place raisonnable dans nos vies, au milieu d'autres activités moins nobles et pourtant nécessaires comme manger ou faire du commerce."
    Plutôt que l’exemple du savoir, je préfère prendre celui de l’amitié ou de l’amour. Car en effet peut-être qu’on serait prêt à vendre son savoir (en devant le perdre), ou à l’acheter pour s’éviter les efforts nécessaires pour l’accumuler, si cela était possible. Mais ce n’est pas le cas pour l’amitié et de l’amour. Tu diras peut-être : si l’amitié et l’amour ont une valeur infinie, incommensurable avec tout le reste, pourquoi ne sommes nous pas sans cesse avec nos amis ou avec notre amoureux, « sidérés et paralysés » par l’amitié et l’amour ? Tout d’abord, je remarque qu’il y a des gens qui vivent effectivement comme cela, passionnés par certains de leurs proches au point de ne rien pouvoir faire sans eux (surtout pour un couple ou pour les membres d’une même famille, ou encore des meilleurs amis). Mais prenons un cas plus difficile, celui de quelqu’un qui voit un de ses amis seulement une ou deux fois par avant. Je dis qu’il est très possible qu’il refuse tout l’or du monde, plutôt que d’avoir à s’en séparer définitivement (si du moins on impose cette condition qu’il doit se servir de son argent uniquement pour son plaisir personnel. Car s’il peut s’en servir à des fins charitables, dans ce cas il pourrait estimer qu’il doit se sacrifier pour le bien-être des autres.) Pourquoi dans ce cas n’est-il pas tous les jours fourrés avec cet ami ? Eh bien parce qu’il a un travail, pour survivre (1er argument), et/ou une famille, qui passe quand même avant, et on considérera qu’il faut choisir entre vivre avec un ami ou vivre avec sa famille (2ème argument). Enfin peut-être parce que cette relation amicale est d’une nature telle qu’on ne gagnerait rien à rendre les rendez-vous plus fréquents (3ème argument).

    A propos du 2ème argument, tu diras peut-être : « il y a choix, donc évaluation ». Certes mais il y a plusieurs domaines distincts d’évaluation, une différence qualitative, comme le disait Mill.

    Ensuite, tu dis : "il y a beaucoup d'activités dont le but est séparable. Le sexe en est une. On peut trouver les phases d'approche et de séduction palpitantes, mais on peut aussi directement passer à l'étape de la relation sexuelle."
    Là aussi l’article semble être écrit par quelqu’un qui ne connait pas l’amour, ou la différence entre sexualité amoureuse et sexualité sans amour. Le plaisir d’être aimé ou même seulement d’être désiré ne s’achète pas (on ne peut acheter qu’une hypocrisie de désir), et il sublime totalement la sexualité, ou autrement dit en centuple le plaisir.

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    1. D'abord, je dois retirer mon argument sur la commune mesure. On peut comparer des choses sans pour autant qu'il existe une commune mesure. J'ai oublié d'en parler alors que c'est assez basique. Mais mon argument peut se contenter de comparabilité : une chose peut être marchandisée à partir du moment où on peut tenir pour d'égales valeurs une chose et une somme quelconque d'argent. On peut établir la valeur monétaire d'un ami, de l'amour, du sexe, etc. à partir du moment où on peut fixer une somme qui nous ferait renoncer à cet ami, cet amour, cette relation sexuelle.
      En fait, il me faut aussi être précis : on ne peut évidemment pas acheter un ami. Un ami étant quelqu'un qui nous aime, cela ne peut pas se commander, et ce n'est pas en versant de l'argent qu'on obtient de l'amour. Par contre, on peut évaluer la valeur d'un ami en mesurant la somme qui nous motiverait à abandonner cette amitié. Je prétends que cette somme ne serait pas infinie. A vraie dire, je crois qu'il n'y a que notre propre vie que nous n'échangerions pas contre une somme infinie, pour la raison simple que la mort nous ferait perdre cet argent! Quant à tes exemples, ils montrent surtout qu'un individu peut faire passer autre chose avant ses amis, ce que j'admets, mais ils ne montrent pas que les amis ne peuvent pas être marchandisés. L'amour et l'amitié n'ont pas tant de valeur qu'une grosse somme d'argent ne nous y ferait pas renoncer. J'admets qu'il y aurait de l'immoralité à le faire, parce que nous pénalisons quelqu'un qui nous aime et méritait de rester ami avec nous. Mais en ce qui concerne nous-mêmes avec nous-mêmes, je ne vois pas le problème de marchandiser une amitié.

      Concernant la sexualité, là encore, j'admets qu'on ne peut pas acheter le désir sexuel. Cela ne se commande pas. Je veux bien admettre que le plaisir soit plus fort si on est désiré. Cela montre donc que l'argent ne peut pas tout acheter pour des raisons empiriques, parce que tout en nous n'est pas maîtrisable. Mais que c'est faible, ce n'est même pas un argument moral! Ce n'est qu'un pauvre argument empirique. Si le désir sexuel pouvait être maîtrisé, on pourrait l'acheter, sauf si tu trouves un vrai argument moral.

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