dimanche 21 septembre 2014

Les inégalités, celles qui perdurent et celles qui renaissent sans cesse

Les inégalités, au sein d'une société, sont le fait que certains individus occupent des positions sociales ou bien ont des ressources inférieures aux autres groupes ou aux autres individus. Toute chose étant égale par ailleurs, chacun considère qu'il faut lutter contre les inégalités, aussi bien à échelle individuelle qu'à échelle collective. Je veux dire par là que chacun, en tant qu'individu, fait tout pour se tirer de sa situation d'infériorité et se hisser aux positions les plus hautes dont il est capable, et chacun tient pour souhaitable que les groupes défavorisés au sein de la société puissent se hisser au niveau des autres. En résumé, toute chose égale par ailleurs, les inégalités sont mauvaises. 
Toutefois, les choses sont évidemment plus compliquées, et mon ceteris paribus ne tiendra pas longtemps. Je souhaite ici parler de ces complications qui font que les inégalités perdurent malgré les efforts globaux entrepris pour les combattre, et relier dans un deuxième temps ce sujet à la question de la justice. 

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Pour avoir une idée des difficultés, il faut distinguer des types différents d'inégalités. Les plus simples à comprendre sont les inégalités qui renaissent sans cesse. Parmi celles-ci, on trouve tout ce qui relève de la faiblesse due à l'enfance. Un enfant est par définition inférieur à l'adulte : il est moins fort physiquement, il n'a aucune connaissance théorique, et ne sait pas se débrouiller dans le monde social. Cette faiblesse est progressivement compensée au cours de la vie grâce aux soins de ses parents, à l'instruction des professeurs, et à la bienveillance de toutes les personnes qui l'introduisent dans leurs cercles de relations. Bien sûr, il reste à l'âge adulte des inégalités individuelles de force physique, de talent intellectuel, et d'aisance sociale, mais le plus gros des inégalités entre les enfants et les adultes a été effacé. On peut donc considérer que les inégalités ont toutes été supprimées. 
On pourrait changer de registre, et prendre l'exemple des maladies, abstraction faite des maladies chroniques. Chaque fois qu'un individu tombe malade, il souffre d'un handicap qui le rend inférieur aux autres. Mais grâce à la médecine, il retrouve son état de santé, donc se remet à égalité avec tous les autres individus. 
Ainsi, ce qui caractérise les inégalités qui renaissent sans cesse est que leur apparition est contingente (on pourrait ne pas être malade, les enfants pourraient naître aussi forts que leurs parents), et que leur existence ne répond à aucune nécessité sociale. La société n'a que faire de la faiblesse de l'enfance ou de la maladie. Donc, la société se donne tous les moyens de combattre cette inégalité. Et on tient pour injuste le fait que certaines inégalités perdurent. Tout le monde a droit au même niveau de soin et de système scolaire (dans la limite de ses goûts et de ses capacités, bien entendu). 

Il existe un autre type d'inégalités. Celles-ci ne renaissent pas sans cesse, mais elles perdurent. En effet, elles sont dépendantes de classes plutôt que d'individus. La plus évidente est celle des inégalités économiques. Si j'appartiens à une famille pauvre, celle-ci ne pourra pas me payer d'études poussées, ce qui ne me permettra pas de gagner autant d'argent que si j'avais fait ces études. Par la suite, il me faudra payer un loyer ou emprunter à intérêt pour acheter une maison, perdant un argent que n'aurait pas perdu un enfant de famille riche, dont les parents auraient déjà acheté une seconde maison. 
D'autres mécanismes peuvent être à l'oeuvre qui produisent ces inégalités qui perdurent. Par exemple, une institution politique, ou une association, ou une communauté, peut vouloir distinguer des rôles sociaux, des castes, des fonctions. Ce faisant, si certaines de ces fonctions sont tenues pour inférieures, alors des inégalités perdureront dans le temps, tant que durent les lois ou les traditions. Ainsi, dans mon premier cas, l'existence d'inégalités persistances s'expliquait de manière historique, ou généalogique. Dans cet exemple-ci, les inégalités s'expliquent de manière structurale. C'est le fonctionnement normal d'une structure qui suppose que certains individus soient supérieurs, et d'autres inférieurs. 

En résumé, certaines inégalités apparaissent, sont combattues, donc disparaissent, mais renaissent sans cesse. Elles sont discontinues (ou ponctuelles). D'autres au contraire apparaissent et, qu'elles soient combattues ou pas, demeurent présentes. Elles sont continues.

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Venons-en maintenant à la question de la justice. Les inégalités ne sont pas toujours tenues pour injustes. Car certains discours tentent de les légitimer; on pourrait les appeler des discours idéologiques. L'idéologie a pour tâche de montrer que les inégalités sont une bonne chose pour la société. Le type d'argument employé est le suivant : Bien qu'une partie de la société soit désavantagée par rapport à l'autre, cette inégalité profite à toutes les parties de la société. Autrement dit, les inégalités sont aussi à l'avantage des plus défavorisés. Et enfin, il est préférable d'avoir des biens en plus grande valeur absolue que d'avoir une égalité relative, si cette égalité implique d'avoir des biens en valeur absolue inférieure. Il faut bien voir que cet argument ne dit pas qu'une partie de la société doit se sacrifier pour le bonheur de tous, car le sacrifice signifierait une dégradation de sa situation en valeur absolue. Au contraire, il est dit ici que le partie défavorisée y gagne, en valeur absolue. Simplement, on lui fait comprendre que ce gain en valeur absolue n'est possible que si la société est construite sur un modèle inégalitaire.
Notons au passage que ma formulation emprunte bien sûr à La théorie de la justice de Rawls, qui justifie les inégalités économiques ainsi. Rawls prend bien garde de dire qu'il n'est pas du tout certain que les inégalités améliorent aussi le sort des plus défavorisés. Cependant, il reste d'accord sur le fait que si c'était le cas, alors les inégalités seraient justifiées. Son principal opposant est l'utilitarisme, pour qui il serait admissible de sacrifier un ou des individus, si la somme globale des bien augmente. Je ne retiens pas l'argument des utilitaristes, parce qu'il est plus fort que celui de Rawls, donc plus difficile à justifier (et pour cette raison, jamais utilisé à part en philosophie!)
Ce type d'argument me semble avoir cours dans les domaines suivants : 
1) dans le domaine politique, on prétend qu'il vaut mieux que des spécialistes s'occupent de faire les lois, plutôt que de donner directement au peuple le pouvoir. Le peuple subit donc la loi au lieu de la faire. 
2) dans le domaine économique, on prétend que les écarts de richesse favorisent l'investissement des plus riches, qui peuvent ainsi donner du travail et ainsi de l'argent aux plus pauvres
3) dans le domaine de la famille, on prétend que le fait que les femmes se consacrent aux tâches domestiques et à l'éducation des enfants permet de mieux faire fonctionner les maisons et de mieux s'occuper des enfants que si les deux parents avaient une vie professionnelle intense. 
Dans ces trois cas (je ne prétends pas que ma liste soit close), des inégalités qui pourraient très bien n'être que ponctuelles sont transformées en inégalités continues. Il y aura des chefs et des serviteurs, des riches et des pauvres, des hommes au travail et des femmes au foyer, tant que la politique et l'idéologie parviennent à les maintenir. 

Or, une telle inégalité continue est très contestable, dans la mesure où personne n'a encore montré, et on ne voit d'ailleurs pas comment le montrer, en quoi un gain en valeur absolue justifierait une perte en valeur relative, autrement dit, pourquoi il faudrait préférer être pauvre parmi les riches, plutôt qu'appartenir à la classe moyenne d'une société pauvre. On dira qu'un individu, en tant qu'individu, se soucie de sa condition, et non pas de son rapport avec la condition des autres. Mais c'est justement ce qu'il faut justifier; l'appel à la notion d'individu est justement ce qui est mis en cause, pas ce qui permet de répondre. On peut tenter de rejeter certains sentiments comme l'envie, au prétexte qu'ils seraient de nature psychologique et non pas morale. Là encore, c'est le même problème, car on pourrait aussi bien soutenir que l'envie est un sentiment moral qui naît lorsqu'une situation d'inégalité injuste est observée.
Je ne soutiens pas que les inégalités continues sont injustes, puisque je n'ai pas non plus d'argument pour montrer qu'elles le sont. Par contre, il est facile de montrer qu'elles sont arbitraires, et j'entends par là que personne ne peut montrer ni qu'elles sont injustes, ni qu'elles sont justes.  

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J'en arrive donc à la conclusion que sont arbitraires toutes les institutions qui n'ont pas pour fonction de réduire les inégalités, mais au contraire les utilisent et les font perdurer. L'école ne l'est pas en soi car son but est de permettre à l'élève d'arriver au niveau de savoir du maître. Le maître a le devoir de ne pas cacher d'informations qui lui permettraient de conserver sa supériorité. Par contre, un système politique qui ne lutte pas contre les inégalités est arbitraire, car il ne peut pas rendre raison de son choix. Et même, s'il n'est pas capable non plus de montrer que les inégalités sont à l'avantage de tous, ce système est doublement arbitraire (d'abord parce qu'il n'a pas la preuve que les inégalités profitent aux plus défavorisés, et ensuite parce qu'il n'a pas la preuve qu'il faut préférer un haut niveau absolu plutôt qu'une égalité relative). 
La différence entre inégalités continues d'origine historique et inégalités continues d'origine structurale semble avoir à première vue une portée morale. C'est que nous avons un très fort goût pour la notion d'égalité des chances, et il nous semble donc que les inégalités qui résultent d'une situation d'égalité des chances soient justes, alors que celles qui résultent d'une situation initiale d'inégalité sont injustes. Ceci dit, il me semble que cette intuition, dont je situe l'origine dans les jeux de l'enfance (on accepte qu'il y ait des gagnants et des perdants parce que tout le monde a accepté de jouer et respecte les règles), est assez facilement mise en difficulté. Car qui serait vraiment prêt à admettre que des foules d'individus tombent dans la pauvreté et la solitude (même relatives), tout simplement parce qu'ils ont perdu la dure compétition de la vie? Que l'égalité des résultats ait de l'importance me semble aussi faire partie de nos intuitions morales spontanées. 
Il en résulte donc que les inégalités continues, qu'elles soient historiques ou structurales, sont toutes arbitraires parce qu'elles font perdurer les inégalités, alors que nos intuitions morales ne sont claires que sur le point suivant : les seules inégalités qui sont moralement acceptables sont celles qui naissent par hasard, et que des institutions combattent avec succès. 


5 commentaires:

  1. L'argument selon lequel autoriser certaines inégalités permet que le niveau de vie ou le bien être des moins bien lotis soit au-dessus de ce qu'il est sans cela me paraît difficilement applicable à la famille ou à la politique. Ce dont tu parles peut être vu comme un simple effet vertueux de la spécialisation. Le revenu n'est pas comparable au pouvoir de décision politique ou à l'effectuation des tâches domestique : ces derniers sont des actes, des tâches, qui sont plus ou moins bien accomplies.
    Pour ce qui est du domaine économique, j'imagine que tu fais référence à la doctrine du ruissellement. C'est sans doute la pire façon de légitimer le principe énoncé ci-dessus. Il y en a bien d'autres : incitations, égalité entre salaire et productivité marginale du travail sur un marché concurrentiel et donc efficace, impossibilité d'une planification sociale performante, etc., etc.

    L'idée d'un sacrifice du bien-être des uns au profit d'un plus grand bien-être général n'est pas tellement plus difficile à défendre. Elle est seulement plus éloignée des convictions démocratiques. Et elle n'est peut-être même pas si choquante si ce sacrifice est voulu ! Ce qui nous ramène aux mères de famille...

    Il y aurait plein de choses à dire, parce qu'à mon avis tu n'as pas bien saisi le concept d'inégalité, mais je voudrais m'arrêter sur la fin.

    Tu ne vois pas "pourquoi il faudrait préférer être pauvre parmi les riches, plutôt qu'appartenir à la classe moyenne d'une société pauvre" ?

    Eh bien, simplement parce qu'on est plus riche dans le cas 1 que dans le cas 2. C'est surprenant d'attaquer cet argument par son côté le plus robuste, pour ne pas dire plus.
    Imagine que demain les services de la rue de Grenelle frappent à ta porte et te proposent le marché suivant : nous augmentons ton salaire de 1000 euros à condition que tu acceptes que la rémunération du ministre augmente de 10 000 euros. Refuserais-tu ?
    Évidemment, ce ne serait pas la même chose si nous vivions dans un kibboutz heureux et confraternel, que l'inégalité ferait exploser. Mais le sens de la communauté n'est pas une propriété de la société égalitaire et nous ne raisonnons pas toutes choses égales par ailleurs. Ceux qui reprennent l'argument exposé ci-dessus raisonnent toutes choses égales par ailleurs.

    On pourrait dire aussi que les gens sont plus malheureux quand les inégalités augmentent, parce qu'ils se comparent les uns aux autres, se donnent des objectifs impossibles, ne voient plus ce qu'ils ont mais seulement ce que les autres possèdent. Leur richesse se déprécie à leurs yeux, ils prennent moins de plaisir à en jouir qu'ils n'en auraient pour une richesse inférieure. Ainsi, on passerait à un niveau de ressources supérieur, mais à un niveau de bien-être inférieur.
    Mais cela revient alors à nier l'argument sur une base empirique, non à le trouver injustifié : les inégalités ne peuvent jamais être à l'avantage des plus défavorisés, puisqu'elles réduisent le plaisir qu'ils tirent de leur ressource.
    Toutefois, il y a des chances que l'individu à qui on soumet le marché que j'ai imaginé plus haut choisira l'augmentation de salaire même si on lui dit que l'inégalité aura pour effet de lui gâcher son plaisir.
    Est-ce parce qu'il sait que cette idée est fausse ou parce qu'il est trop aveugle pour reconnaître sa vérité ?

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    1. Erratum :

      le sens de la communauté n'est pas une propriété de la société égalitaire et ...

      si nous nous plaçons dans le cas de figure où ce lien existe,

      ...nous ne raisonnons pas toutes choses égales par ailleurs

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    2. A partir du moment où la société tire un bénéfice du fait que certains occupent une position défavorisée, cela n'a aucune importance de savoir quel mécanisme est à l'oeuvre. Peu importe que ce soit un effet vertueux de la spécialisation, du ruissellement, de l'émulation, etc.
      Car le type de justification sera identique quel que soit le mécanisme. La justification est toujours le fait que le bénéfice est global. On dira aux femmes qu'elles y gagnent puisqu'elles ont une vie confortable à la maison à s'occuper de leurs enfants au lieu de se battre sur un marché du travail impitoyable ; on dira aux plus pauvres que leurs salaires dérisoires et la suppression des frontières font baisser les prix et leur permet ainsi de s'acheter beaucoup de marchandises.
      Bref, tu me sembles confondre le mécanisme à l'oeuvre, et la justification. Le mécanisme ne justifie rien, c'est la fin obtenue qui justifie.

      Concernant ton petit dilemme :
      On peut tout simplement préférer l'égalité à la richesse personnelle. Je ne vois pas ce que cela a de choquant, cela s'appelle un jugement moral. Ton exemple joue seulement sur la faiblesse de la volonté (difficile de refuser une proposition alléchante).
      Un des effets pervers de la notion d'individu, c'est qu'elle a tendance à rendre incompréhensible la défense de l'égalité, ou bien à la défendre sur un mode purement stratégique (l'égalité, seulement si c'est à son avantage, absolument parlant). Or, c'est ce point de vue là qui me semble contestable (au sens propre, à savoir non pas faux, mais au moins discutable).
      Du coup, la fin de ton propos ne va pas, parce que l'enjeu n'est pas de prendre une perspective individualiste puis se demander si les individus y gagnent ou y perdent. L'enjeu est plutôt de savoir quel type de perspective on doit prendre, pour discuter la valeur du fonctionnement de notre société.

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    3. La "notion d'individu" n'a rien à faire là-dedans. La façon dont j'ai présenté les choses pourrait laisser croire qu'il s'agit de la richesse d'une seule personne : mais c'est de la richesse de tous ceux qui sont les plus bas qu'il s'agit !
      Dire qu'on préfère l'égalité dans la pauvreté à la richesse plus ou moins contrastée de tous n'est pas un jugement moral : c'est une préférence irrationnelle pour le nivellement par le bas, d'après ceux qui avancent l'argument. La classe moyenne d'une société pauvre, c'est quelque chose d'assez terrible.
      N'étant pas particulièrement porté sur l'ascétisme et la macération de la chair, ne voyant aucune vertu particulière dans le dépouillement je suis sensible à l'argument. Comment ne pas l'être si l'on n'est pas Savonarole ?

      Ceux qui défendent cet argument d'un point de vue moral disent : ce qui est moralement important est la détresse des démunis, la pauvreté des faims, la famine des affamés, etc., bref, la misère de la misère du monde. L'égalité n'a rien à voir avec tout cela : donc l'égalité n'a aucune importance morale particulière. Et cet argument porte aussi complètement. Il n'est pas du tout évident, et c'est donc d'autant plus intéressant, de défendre l'égalité. La plupart des gens, si on les cuisinait un peu à la manière socratique, finiraient sans doute par dire qu'ils ne veulent pas de l'égalité.

      D'accord pour le reste.

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  2. La notion d'individu est au contraire centrale dans ces discussions, puisque l'on pose la question de sorte que la seule variable rationnellement pertinente soit le niveau de bien-être individuel (ou ici, le niveau de richesse). Bien sûr que si on élimine toute autre considération, alors il est irrationnel de renoncer à une amélioration du bien-être pour une personne, un groupe social, ou même la population entière.
    Sauf que, justement, les individus émettent aussi des jugements sur la manière dont l'argent est réparti, et non pas sur le niveau absolu d'argent. Ceci correspond à une approche morale, qui ne paraît pas éliminable.
    Nous avions déjà parlé du jeu de l'ultimatum, dans lequel les joueurs ont tendance à sacrifier leurs gains pour punir l'autre joueur qui leur ferait une offre indigne. Cela montre que les gens se soucient d'autre chose que d'irrationalité économique, et qu'ils sont prêts à assumer cette irrationalité pour défendre d'autres valeurs.

    Ensuite, je suis d'accord avec ton argument sur le fait que les gens préfèrent sans doute lutter contre la grande misère, que vraiment instaurer l'égalité sociale.
    Sauf que les gens n'accepteraient sans doute pas une inégalité, si elle ne pouvait pas être légitimée d'une façon ou d'une autre. Les gens acceptent les inégalités économiques parce qu'elles leur paraissent une conséquence normale des efforts et des talents très inégaux entre individus. Sans légitimation, les gens n'accepteraient pas l'inégalité économique.
    Ceci me semble montrer que l'égalité reste malgré tout une valeur, et que les gens refusent l'égalité stricte parce qu'ils estiment que l'égalité proportionnelle (rétribution en proportion de la contribution) est le vrai principe juste.
    L'idéologie, pour reprendre l'expression que j'employais, réside donc dans la croyance que les inégalités de talent et d'efforts ont une traduction dans la sphère économique, que les plus talentueux obtiennent plus d'argent. Je soupçonne cette idéologie d'être tautologique (puisque le talent est défini comme la capacité à gagner de l'argent, et que ce talent ne ressemble pas à d'autres capacités identifiées séparément, comme l'intelligence logique, l'aisance relationnelle, la beauté physique, l'opportunisme, etc. A moins qu'on pense que c'est un mélange indémêlable de tout cela. Dans tous les cas, cela revient au même, il est impossible de vérifier que la réussite économique correspond vraiment au talent, puisque le talent n'est pas mesurable isolément).

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